Histoire véritable et naturelle des moeurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada

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Pierre Boucher, Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada, Texte établi en français moderne par Pierre Benoit, Septentrion, 2014, 191 p.

L’œuvre de Pierre Boucher, Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada, est un texte fondamental pour les historiens québécois. Il contient une mine d’informations utiles à la connaissance de la Nouvelle-France, des premiers rapports aux autochtones et à l’environnement. Les recherches menées sur les forêts, l’alimentation, la chasse et la pêche, le climat, entre autres, ont puisé dans les écrits de Pierre Boucher de précieuses données afin de reconstituer l’environnement et les pratiques des premiers habitants de la colonie. L’adaptation en français moderne qui vient de paraître est une initiative de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs pour célébrer le 350e anniversaire de l’œuvre originale, publiée pour la première fois en 1664. La longue expérience de Pierre Benoit dans les archives de la Nouvelle-France est ici mise à profit afin de rendre plus accessible l’œuvre de Boucher.Boucher

En introduction de l’ouvrage, une rapide biographie de Pierre Boucher permet de situer la place qu’occupe l’œuvre dans la vie de son auteur. Pierre Benoit rappelle l’arrivée de Pierre Boucher en Nouvelle-France, son séjour en Huronie, son établissement à Trois-Rivières, son rôle dans la défense de la ville contre les Iroquois. On peut ainsi suivre l’ascension sociale du personnage, nommé gouverneur de Trois-Rivières, anobli, et finalement fondateur de la ville de Boucherville, ce qui permet de comprendre la crédibilité et l’influence qu’il pouvait avoir. Une biographie plus complète, tirée du Dictionnaire biographique du Canada, est aussi reproduite à la fin de l’ouvrage pour ceux qui veulent en savoir en plus. C’est donc au retour d’un séjour en France où il était chargé de convaincre le roi Louis XIV de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la colonie contre les Iroquois que Pierre Boucher rédige son Histoire véritable et naturelle. Il répond aux vœux exaucés par Colbert d’en « connaître davantage sur les ressources du pays » (p. XVII). Dans sa dédicace à Colbert, Boucher dit vouloir exposer « une histoire succinte mais véritable, de la Nouvelle-France […] Dieu vous ayant donné pour ce pays un amour particulier, qui sans doute ira croissant, lorsque vous aurez été plus amplement informé de la bonté et de la beauté de toutes nos contrées » (p. XXVII). Pierre Boucher livre surtout un témoignage de l’amour que lui-même porte à sa terre d’adoption dans la description qu’il fait du territoire et de ses ressources. Il livre également ses opinions sur les défis matériels et spirituels que représente l’ouverture du nouveau continent. Ses écrits participent à l’argumentaire qui motivera ensuite la mise en place des politiques de colonisation menées sous la direction de Colbert et qui ont réorienté l’histoire de la Nouvelle-France. Certains événements ont marqué les manuels d’histoire et l’imaginaire collectif, comme l’envoi du régiment de Carignan-Salières des contingents des Filles du Roi.

 

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Couverture de l’édition de 1964.

Pierre Boucher, avec son ouvrage, avait des visées informatives et didactiques. Il souhaitait mieux faire connaître la Nouvelle-France à ses contemporains. Comme il le mentionne lui-même dans son avant-propos, il livre des informations qui ont déjà été consignées soit par Champlain ou dans les Relations des Jésuites, mais il en fait la synthèse, « dans un seul livre » (p. XXVIII). Le travail de Pierre Benoit s’inscrit en continuité avec la mission que s’était donnée Boucher. Avec la version en français moderne qu’il propose, il rend plus accessible aux lecteurs du XXIe siècle ce texte incontournable de notre histoire, qui se présente comme « un livre de géographie, même un guide touristique moderne » (préface, p. IX). L’esprit de continuité se reconnaît aussi dans la couverture, qui fait écho à dernière réédition de l’ouvrage datant de 1964 qui, bien que proposant de nombreuses annotations critiques, avait conservé le texte original en vieux français.

On peut diviser le texte en trois parties, la première portant sur la description du territoire, des ressources et du mode de vie, et la deuxième ayant trait aux autochtones et à leurs mœurs. Une troisième partie, moins organisée, précise différents points soulevés précédemment et fait état de recommandations de Boucher. Il s’agit d’un livre dont la facilité de lecture sera appréciée autant par l’historien contemporain non familier avec les pièges du français classique, que par l’amateur d’histoire ou simplement toute personne curieuse de connaître les réactions des premiers Européens établis continent. Pierre Benoit dit avoir fidèlement respecté la forme et le style de l’édition originale, constituée de 168 pages, à raison de 25 lignes de texte par page. Son travail s’est essentiellement concentré sur l’adaptation de l’orthographe. Quelques notes de bas de page permettent aussi d’éliminer les ambiguïtés qui pourraient se glisser quant à la signification de certaines expressions. Ainsi, Pierre Benoit précise par exemple que la « fontaine d’eau grasse » décrite par Boucher est en fait une eau dans laquelle suintent des filets de pétrole. Les correspondances entre les noms anciens et modernes d’arbres, d’animaux ou d’oiseaux sont aussi référencées afin que le lecteur puisse s’y retrouver. Il apporte également des détails sur la localisation de certains lieux évoqués par Boucher. À cet égard, une carte aurait été un petit supplément appréciable.

En relisant l’œuvre de Boucher, on y prend toute la mesure de l’importance qu’a occupée la comparaison avec la Mère patrie dans la construction de nos représentations du Nouveau Monde. Boucher observe ce qui l’entoure avec les yeux de celui qui vient d’ailleurs, et y notent ce qui ressemble ou ce qui est dissemblable avec son milieu d’origine, et surtout, dans le but d’y constituer une société fondée sur le modèle français. Bien que son intention était de faire un rapport de plus exact des faits, pour le lecteur d’aujourd’hui, le langage de Boucher prend naturellement une tournure poétique. C’est le cas notamment lorsqu’il évoque le passage des saisons et l’hiver qui, bien qu’il « dure cinq mois, que la terre y soit couverte de neiges, et que pendant ce temps le froid y soit un peu âpre, il n’est pas toutefois désagréable […] En vérité, les neiges sont ici moins importunes, que ne sont les boues en France » (p. 19). Et si Boucher voit quatre ou cinq incommodités à la Nouvelle-France – qui se résument aux Iroquois, aux maringouins, à la longueur de l’hiver et aux serpents à sonnettes – il voit dans la Nouvelle-France un immense potentiel qui n’attend qu’à être mis en valeur par des gens prêts à mettre « la main à l’œuvre » (p. 159) ».

Une autre édition de l’œuvre de Pierre Boucher est également parue en 2014 aux éditions Almanach. Je n’ai pas eu l’occasion de l’avoir entre les mains. Si quelqu’un souhaite collaborer en présentant cette version, n’hésitez pas à me contacter.

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Maude Flamand-Hubert

Je suis professeure adjointe en politiques appliquées à la forêt privée à la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, département des sciences du bois et de la forêt de l'Université Laval. J'ai soutenu en 2017 ma thèse de doctorat, intitulée "La forêt québécoise dans la première moitié du XXe siècle : représentations politiques et littéraires" (cotutelle en développement régional à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR) et en histoire à Sorbonne Paris-IV). Mes intérêts de recherche portent sur l'exploitation des ressources naturelles et les politiques publiques, l'histoire forestière, régionale et environnementale, le Québec au XIXe et XXe siècle, les représentations de la forêt et des milieux forestiers.

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