Par Rémi Luglia
Luglia Rémi, Des savants pour protéger la nature. La Société d’acclimatation (1854-1960), Presses Universitaires de Rennes, collection « Histoire », 19 mars 2015, 434 pages, broché, ISBN : 978-2-7535-3575-6.
Des savants pour protéger la nature est issu d’une recherche de doctorat dont l’origine réside dans le contraste existant entre la transformation apparente de la Société d’acclimatation, fondée en 1854 et devenue en 1960 la Société nationale de protection de la nature, et certaines affirmations abondamment diffusées datant la naissance de la protection de la nature en France des années 1960. Manifestement, un certain vide historiographique restait à combler. Le propos est ainsi d’éclairer l’éveil de la protection de la nature en France à partir du milieu du xixe siècle tout en mettant en évidence un courant spécifique largement ignoré : les naturalistes.
Certes, cette histoire n’est pas totalement neuve et de nombreux et récents travaux d’universitaires ou d’acteurs s’intéressent aux parcs nationaux, aux forêts, aux animaux, à la pollution ou à l’écologie. Certains évoquent même la Société d’acclimatation comme une étape du mouvement de protection de la nature. Mais aucune recherche ne décrit ni les transformations à l’œuvre dans cette structure savante, ni le courant naturaliste qu’elle représente, ni l’évolution des représentations des savants en matière de protection de la nature, ni les actions qu’ils envisagent de mener. L’ambition de cet ouvrage est de combler ces lacunes, tout en éclairant les choix présents de nos sociétés. L’urgence écologique, l’érosion de la biodiversité, l’impératif du développement durable sont autant de sujets qui portent des défis lourds pour nos sociétés, pour les citoyens. Ces interrogations, ces inquiétudes ne sont pas nouvelles. Elles ont une histoire qu’il faut convoquer afin de mieux comprendre les enjeux d’aujourd’hui.
L’émergence d’une ambition, la dynamique d’une efficacité, les mutations d’un propos, la diversité des acteurs : tout un monde resurgit dans cet ouvrage, dont les leçons n’ont rien perdu de leur force.
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Née d’une conception utilitariste qui soumet la nature aux besoins de l’homme, la Société d’acclimatation connaît un âge d’or avant d’être profondément affectée à partir des années 1880 par une crise interne qui, en favorisant l’arrivée à la présidence d’Edmond Perrier, protecteur convaincu, accélère sa réorientation vers la protection de la nature. Car, bien qu’initialement consacrée à l’acclimatation, c’est-à-dire aux moyens d’amener des espèces à s’adapter à un écosystème autre que celui de leur origine, la Société d’acclimatation est sans conteste l’une des plus anciennes associations de protection de la nature de France. Société savante généraliste, adepte d’une science appliquée, elle rassemble des scientifiques, tant professionnels qu’amateurs, qui s’intéressent surtout aux animaux mais aussi aux végétaux. Preuve de son évolution vers la protection de la nature, elle organise à Paris en 1923 et 1931 les deux premiers congrès internationaux consacrés à cette cause et est à l’origine des premières réserves naturelles françaises, dont certaines prennent place désormais dans les zones centrales de parcs nationaux : Sept-Îles en 1912, Camargue en 1927, Néouvielle en 1935 et Lauzanier en 1936. Elle participe en 1948, à Fontainebleau, à la création de l’Union internationale pour la protection de la nature (UIPN), dans laquelle elle s’investit fortement et elle est directement à l’origine des deux associations importantes en France que sont la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et France nature environnement (FNE). La Société d’acclimatation apparaît ainsi comme l’association la mieux à même d’apporter des réponses précises sur l’émergence d’une protection naturaliste de la nature.
Plusieurs questionnements ont animé cette recherche et parcourent l’ouvrage, tous fondés sur des affirmations de l’historiographie qui sont apparues d’emblée discutables.
De nombreux auteurs limitent la protection de la nature à la seconde moitié du xxe siècle, faisant preuve d’une singulière myopie temporelle et accréditant l’idée d’un important retard de la France par rapport à ses voisins. Or, clairement, les idées de protection de la nature existent de façon assez aboutie dès le milieu du xixe siècle et la Société d’acclimatation les catalyse tout en accompagnant leur approfondissement jusqu’après la Seconde Guerre mondiale. D’abord intimement dépendantes de l’utilitarisme, les idées de protection de la nature s’en sont assez rapidement détachées pour, d’une part, pointer la responsabilité complète de l’homme et du progrès dans les destructions d’espèces et de milieux et pour, d’autre part, aboutir, par la controverse autour de l’utilité ou de la nuisibilité des espèces, à la définition de la notion fondamentale « d’équilibre naturel », elle-même d’ailleurs sujette à évolution. L’acclimatation finit par être rejetée par la Société pour respecter ce principe d’équilibre, dans ce cas mis à mal par les introductions d’espèces. Ainsi, les trois facteurs d’érosion de la biodiversité que sont la dégradation des milieux, la surexploitation des populations et l’introduction d’espèces exotiques sont mobilisés par certains membres de la Société d’acclimatation dès la fin du xixe siècle, preuve de l’importance et de la pertinence du travail d’analyse et de réflexion alors mené. Les thèmes qui portent cette dynamique sont finalement assez peu nombreux : dépeuplement des cours d’eau, chasse, raréfaction des ressources maritimes, forêts et reboisement, extinctions d’espèces, plumasserie.
En parallèle de cet éveil, l’opinion des membres de la Société d’acclimatation quant aux actions à mener évolue. Dans un premier temps, les idées de protection de la nature apparaissent, se diffusent et s’approfondissent mais sans réalisation concrète : l’association s’en remet à l’État et lui laisse, avec des souhaits et des recommandations, la charge d’élaborer de « bonnes » lois et de les appliquer sévèrement. Puis, progressivement, l’idée de réserve puis de parc national, présente dès l’origine, s’impose comme la grande solution aux problèmes de protection que ce soit en France métropolitaine ou dans les colonies. Mais là encore, la réalisation est pensée comme incombant aux pouvoirs publics. À partir des années 1890-1900, la grave crise interne que connaît la Société d’acclimatation semble faciliter la progression en son sein des idées de protection de la nature. Les discours du président Edmond Perrier en témoignent ainsi que la fondation de la LPO puis la création de la réserve des Sept-Îles et de celle de Camargue. L’une comme les autres soulignent cependant l’irrésolution de l’association à agir directement et à mettre en application des discours très favorables à la protection de la nature. Elle subit manifestement en effet l’autonomisation de sa sous-section, qui suscite alors elle-même la création de la réserve des Sept‑Îles, et ne reçoit la gestion de la réserve de Camargue que par une opportunité née de la volonté de compagnies industrielles. Il faut attendre les réserves du Néouvielle et du Lauzanier pour que la Société d’acclimatation décide d’agir elle-même sur le terrain pour la protection de la nature, menant de ce fait à son terme la mue engagée peu ou prou dès sa fondation. Enfin, la Seconde Guerre mondiale impose une seconde rupture et la Société d’acclimatation qui en sortira aura soldé l’héritage désormais dépassé de l’acclimatation au sens strict et dans ses finalités utilitaristes, pour se tourner définitivement vers la protection. Les ruptures internes à la Société d’acclimatation sont particulièrement importantes comme révélateurs et catalyseurs des mutations opérées en son sein. La France ne paraît pas alors particulièrement en décalage par rapport aux autres pays d’Europe dans sa prise de conscience et participe pleinement en 1890-1910 au mouvement européen qui existe autour des idées de protection de la nature.
Sans retard en ce qui concerne les conceptions, la France se différencie dans leur application et la réalisation des actions : quand de très nombreux pays d’Europe mettent en place leurs premiers parcs nationaux, en France presque rien ne se passe. Plusieurs éléments s’additionnent aux xixe et xxe siècles pour expliquer ce décalage entre intentions et réalisations. Manifestement le groupe de pression des protecteurs de la nature n’est pas capable d’obtenir de l’État une action efficace. Or aucun protecteur, aucune association, n’envisage d’agir en dehors de l’État, contrairement au voisin britannique. Il faut attendre 1912 pour que, avec beaucoup de circonspection, la réserve des Sept‑Îles soit fondée, sur une initiative plus ou moins privée. Malgré les échecs successifs, constatés et déplorés par les protecteurs eux-mêmes, ce n’est que dans les années 1930 que la Société d’acclimatation finit par se résoudre à créer des réserves intégrales en Camargue, puis en montagne. La Première Guerre mondiale détient une part certaine de responsabilité dans cet état de fait car autant le mouvement favorable à la protection de la nature semblait très dynamique et sur le point d’aboutir avant guerre, autant il semble atone et pour tout dire hors de propos après. De plus, contrairement à de nombreux autres pays, il n’y a pas eu en France de création à la fin du xixe siècle de société dédiée à la protection de la nature. Au contraire, ce sont des associations fondées sur des objets différents voire sensiblement éloignés qui connaissent une lente évolution interne vers la protection de la nature, engendrant nécessairement des débats sur la redéfinition des objectifs. De plus, contrairement à l’Allemagne ou au Royaume-Uni, il ne semble pas y avoir eu de véritable diffusion des idées de protection de la nature dans la population française, en dehors d’une certaine élite socioculturelle élargie aux classes moyennes cultivées, omniprésente parmi les sociétaires. Le tournant vers la protection de la nature au sein de la Société d’acclimatation, identifié autour de 1900, ne produit d’ailleurs pas immédiatement un effet complet car la redéfinition véritable de ses objectifs n’intervient que plus tardivement et la protection de la nature ne s’impose que dans l’Entre-deux-guerres, bien que soit encore alors conservée au sein de l’association une large part d’activités et de réflexions sur d’autres sujets. Peut-être est-ce là aussi un des ressorts de la difficulté française à concrétiser les idées de protection de la nature ?
Si l’historiographie a parfaitement identifié les trois courants majeurs de protection de la nature au xixe siècle que sont les forestiers, les esthètes-touristes et les défenseurs des animaux, elle néglige largement, outre ceux des chasseurs, les apports des naturalistes, savants adeptes d’une science de terrain. Or ce courant délivre une vision spécifique de la protection, savante, écosystémique et davantage biocentrée. En effet, la protection se fonde ici sur l’étude scientifique des espèces, des populations et des écosystèmes. Dans ce cadre, le concept « d’équilibre naturel » s’avère une étape fondamentale dans ce cheminement vers la protection car il permet une première prise en compte de l’écosystème et souligne la valeur de chaque espèce. Participant à la réflexion autour des réserves, le courant naturaliste les conçoit comme devant être intégrales, c’est-à-dire placées hors de toute activité humaine.
Une large partie de l’historiographie considère qu’avant les années 1960, ce sont les colonies qui suscitent la prise de conscience de la nécessité de protéger la nature et qui accueillent les premières réalisations. Or, l’étude de la Société d’acclimatation permet d’affirmer que les idées de protection émergent également en rapport avec la situation métropolitaine. Les naturalistes observent les transformations, qui plus est importantes, qui affectent leur environnement immédiat voire leur sujet d’étude. Ce sont les destructions qui touchent ces espaces proches qui les inquiètent et les amènent à réfléchir à leurs causes puis à proposer des solutions. C’est seulement dans un second temps, vers la fin du xixe siècle, que les préoccupations concernant l’étranger et les colonies se développent, sans pour autant faire disparaître les considérations concernant la nature en métropole. L’extrême difficulté à réaliser une protection de la nature en France, les échecs répétés, la plus grande facilité à mettre en œuvre ces idées dans les colonies conduisent dans l’Entre-deux-guerres à une inversion des réalisations : l’État accomplit dans les colonies ce qu’il s’est refusé à faire en métropole et expérimente les « parcs nationaux ». Il reste que les seules réalisations concrètes en matière de protection de la nature accomplies par la Société d’acclimatation concernent la métropole. De plus, au sein d’une Société d’acclimatation identifiée comme vecteur d’une science pensée comme utile car appliquée, les idées de protection de la nature se fondent d’abord sur des constats concrets et des exemples locaux ou limités pour ensuite tirer parti des avancées des sciences naturelles dans la compréhension des phénomènes en jeu. Le lien est donc étroit entre le laboratoire « parisien » et le terrain représenté par la province et les naturalistes qui l’observent. Il est constitutif du fonctionnement interne de la Société d’acclimatation et s’avère essentiel dans l’émergence des idées de protection, bien loin de l’image d’une protection de la nature avant tout locale, voire « provinciale », qui s’opposerait au parisianisme des grandes institutions de recherche, des théoriciens. Au moins jusqu’au milieu du xxe siècle, c’est la force de cette articulation entre local et national, complétée par la collaboration entre savants spécialistes et naturalistes amateurs, ces derniers jouant un rôle important, qui accompagne le mouvement vers la protection de la nature.
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Le cheminement de la Société d’acclimatation apparaît comme fondateur pour le courant naturaliste de protection car définissant nombre de ses valeurs, de ses concepts et de ses actions. La Société d’acclimatation est l’ancêtre plus ou moins lointain, toujours vivant, parfois original mais bien réel, des associations naturalistes de protection de la nature de la seconde moitié du xxe siècle.
Plan de l’ouvrage
Préface de Jean-Noël Jeanneney
Âge d’or de l’acclimatation et prémices de la protection (1850-1880)
- La fondation d’une association pérenne
Avec une étonnante rapidité, la Société d’acclimatation s’établit sur des bases solides et obtient la reconnaissance et le soutien des plus hautes autorités politiques et scientifiques.
- Enrichir la France par l’acclimatation
Suivant une idéologie utilitariste hégémonique, les savants veulent enrichir l’agriculture et l’industrie de France en s’efforçant d’introduire un improbable catalogue d’espèces exotiques notamment animales. Le Jardin d’acclimatation de Boulogne, qu’ils fondent en 1860, est leur terrain d’expérimentation en même temps qu’un lieu mondain.
- Une première protection
Un désir de protéger va surgir de cet utilitarisme anthropocentré car les naturalistes veulent conserver les animaux et les plantes « utiles ». Tout en s’inquiétant de l’amenuisement des ressources naturelles, ils s’interrogent : Qui est « utile » et donc légitime à protéger ? Qui est « nuisible » et donc à détruire par tous les moyens ? Mais, alors que leur regard se transforme peu à peu, ces savants se contentent de demander à l’État de nouvelles lois.
- Succès, réseaux et influence
Société savante, mondaine et parisienne, la Société d’acclimatation, au fait de sa puissance et de sa gloire, rayonne en tissant des réseaux en province et à l’étranger.
Et la crise survint, cathartique et rénovatrice (1880-1910)
- La tourmente (1880-1900)
En peu d’années, la Société d’acclimatation s’enfonce dans une grave crise. Recrutement et finances en berne témoignent d’une gouvernance défaillante et d’une profonde remise en cause idéologique : l’acclimatation est-elle finalement utile ?
- Le tournant et le rétablissement (1900-1910)
L’arrivée d’une équipe conduite par Edmond Perrier permet à l’association de se rétablir matériellement. Des liens sont à nouveau étroitement tissés avec le Muséum et la Société retrouve les faveurs d’un pouvoir devenu républicain.
- Un virage idéologique progressif
Au désir d’enrichir la métropole par l’acclimatation, tombé progressivement en désuétude, se substitue une volonté de soutenir le programme colonial français par le déplacement d’espèces « utiles ». Simultanément, de plus en plus de naturalistes, inquiets des destructions constatées et choqués par les extinctions d’espèces, se tournent vers la protection.
- Échecs et réussites de la protection de la nature au tournant des siècles
Les combats se multiplient alors, notamment contre les destructions effrénées provoquées par la mode des chapeaux à plumes. La Société d’acclimatation parvient également à sauver le castor – animal « nuisible » – d’une disparition en France. Mais les savants constatent que les façons traditionnelles d’agir, par appel aux pouvoirs publics, atteignent leurs limites.
L’affirmation de la protection (1920-1950)
- Le retour de la Société d’acclimatation
Après la Première guerre mondiale la Société d’acclimatation retrouve beaucoup de sa superbe, notamment en organisant des déjeuners exotiques surprenants et très mondains. Elle a l’oreille des pouvoirs publics.
- La singularité LPO
Avec la création de la LPO et de la réserve des Sept-Îles en 1912, de nouvelles façons d’agir pour protéger la nature se révèlent. Plus militantes, plus directes, plus sensibles, elles font une large place aux amateurs et aux femmes.
- La protection de la nature : le temps de l’action
La Société d’acclimatation s’investit elle-même de façon croissante dans la protection de la nature, aussi bien en métropole qu’au niveau international ou dans les colonies. Elle crée ainsi une très active section dédiée à la protection et organise les deux premiers Congrès internationaux de protection de la nature à Paris. Mais surtout elle agit directement et concrètement en établissant d’importantes réserves naturelles.
- La débâcle et un nouveau départ (1939-1950)
Fragilisée par la Seconde guerre mondiale, confrontée à la « modernité » galopante des « Trente Glorieuses », la Société d’acclimatation poursuit sa mue et devient la Société nationale de protection de la nature. Elle porte ainsi depuis 150 ans, en France et dans le monde, une vision écosystémique et davantage biocentrée des rapports entre Homme et Nature.
Postface d’Éric Baratay
Éléments biographiques et axes de recherche
Rémi Luglia, agrégé d’histoire, enseigne en lycée. Passionné à la fois par l’histoire et la nature, il a consacré son doctorat en histoire, soutenu en 2012 à Sciences-Po Paris, à l’étude des origines du courant naturaliste français de protection de la nature et de l’environnement. L’ouvrage Des savants pour protéger la nature est l’édition remaniée et augmentée de ces recherches inédites.
Rémi Luglia est actuellement membre associé du Centre de Recherche d’Histoire Quantitative, UMR 6583 (CNRS / Université de Caen Basse-Normandie). Il est administrateur de l’Association pour l’histoire de la protection de la nature et de l’environnement (www.ahpne.fr, France). Il appartient au Réseau universitaire de chercheurs en histoire environnementale (RUCHE, France), à l’Association d’histoire des sociétés rurales (AHSR, France), au réseau de jeunes chercheurs Imaginaires et pratiques des relations anthropozoologiques (IPRAZ, France).
Dans la continuité de sa thèse, il poursuit des recherches sur l’histoire du mouvement français de protection de la nature en s’intéressant aux différents courants et acteurs, à la diversité et à l’évolution des idées et des modes d’action ainsi qu’à leurs applications et à leurs conséquences sur le terrain. Il développe une approche qui croise les dimensions scientifiques, culturelles, sociales et politiques afin de comprendre la complexité des itinéraires, des dynamiques historiques et des interactions sociétés / environnements.
Ses travaux se complètent désormais par la prise en compte de l’histoire des animaux. Par l’entrée « protection » il travaille sur les animaux sauvages, notamment les oiseaux, comme révélateurs des transformations des sociétés. Ses travaux sur le castor d’Europe l’incitent à ajouter des questionnements environnementaux, écologiques et éthologiques à une approche sociale et culturelle. Fondés sur une interdisciplinarité avec les sciences du vivant et les autres sciences humaines et sociales, possédant une dimension européenne, ils cherchent à éclairer de façon originale les rapports homme/animal en raison de la spécificité de l’éco-éthologie du castor (ce n’est pas un prédateur ; il adapte son environnement à ses besoins) et de son histoire (animal à la fois utile et nuisible ; disparition quasi-totale, protection, retour et relative acceptation sociale). Cette approche est en cours d’élargissement à d’autres mammifères des milieux aquatiques (loutre, ragondin, rat musqué).
Sélection bibliographique
Ouvrages
Luglia Rémi, Des savants pour protéger la nature. La Société d’acclimatation (1854-1960), Rennes, PUR, coll. « Histoire », 19 mars 2015, 432 p. Version remaniée et augmentée de la thèse.
Collaboration à Cadi Antoine, Protéger les oiseaux. Un siècle d’actions avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux, Rennes, Éd. Ouest-France, 2012, 121 p.
Collaboration à Olioso Georges (dir.), Oiseaux de Vaucluse et de la Drôme provençale, Gap, CROP‑CEEP‑SEOF, 1996, 207 p.
Articles de revues ou d’ouvrages
Luglia Rémi, « De la patrimonialisation du castor d’Europe à la protection d’un paysage » in Projets de paysage, n°11, mis en ligne le 04/02/2015.
Article consultable sur http://www.projetsdepaysage.fr/.
Cette communication inscrit dans une perspective à la fois diachronique et synchronique la protection du castor dans les années 1900. En France, le mouvement naturaliste est porteur de cette demande de protection d’un animal au bord de l’extinction qui se fonde sur une mutation des conceptions savantes mais aussi, en lien avec la protection des paysages, sur la notion de patrimoine naturel. Tout au long du xxe siècle, le castor recolonise naturellement et par des réintroductions de nombreux cours d’eau de France et d’Europe, façonnant à nouveau un certain paysage, que la protection de cette espèce permet de conserver, inversant ainsi la logique de « l’enveloppe patrimoniale ».
Luglia Rémi, « Le cheminement des naturalistes vers la protection de la nature en France (milieu du xixe – milieu du xxe siècle) » in Revue scientifique Bourgogne Nature, n°20, janvier 2015 (numéro daté de 2014), p. 203‑214.
Cette communication entend retracer l’éveil d’un courant naturaliste de protection de la nature en France à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle. Alors que l’idéologie utilitariste paraît dominer de façon hégémonique les esprits, plusieurs cheminements vers la protection de la nature apparaissent par la notion d’équilibre naturel, par la crainte des extinctions, par le constat de la surexploitation des ressources. À partir d’une science de terrain mêlant professionnels et amateurs, émerge alors une conception scientifique et biocentrée de la protection de la nature. Progressivement cette opinion se diffuse parmi les naturalistes et génère des engagements. Ainsi, dès le xixe siècle, des actions se développent, de nouvelles structures se créent (LPO en 1912), des espèces sont préservées (castor en 1909), des espaces sont protégés (Sept-Îles en 1912, Camargue en 1927), un militantisme naturaliste se crée. La protection naturaliste de la nature du début du xxie siècle est très largement l’héritière de ces précurseurs.
Luglia Rémi, « Le savant, le saumon et l’ingénieur. La Société d’acclimatation, l’État et le dépeuplement des cours d’eau à la fin du xixe siècle » in Pour Mémoire, revue du Comité d’histoire du ministère de l’Écologie, n°14, Hiver 2014, p. 88-97.
Revue consultable sur http://www.developpement-durable.gouv.fr/Pour-memoire-la-revue-du-Comite-d.html
Dans la seconde moitié du xixe siècle, des savants, notamment liés à la Société d’acclimatation, s’inquiètent du déclin des populations de poissons d’eau douce en France et de la disparition de certaines espèces (saumons et truites) car elles représentent une perte de ressource alimentaire. Pour résoudre cette question, et protéger cette nature « sauvage », ils collaborent avec le gouvernement et l’administration. Ainsi les relations entre l’État et les savants se révèlent. Protéger la nature revient alors à réparer les actions de l’homme mais surtout à maîtriser le « sauvage » et à pérenniser la ressource piscicole.
Luglia Rémi, « Albert Chappellier (1873-1949). Un acteur méconnu de la protection de la nature au xxe siècle », publication sur le site web de l’AHPNE, rubrique Dictionnaire des acteurs de la protection de la nature et de l’environnement, 19 mars 2014.
Article consultable sur http://ahpne.fr/spip.php?page=imprimer&id_article=282.
Si Louis Magaud d’Aubusson (1849-1917) est reconnu communément comme le père fondateur de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et de la réserve ornithologique des Sept-Îles, toutes deux créées en 1912, Albert Chappellier, de 24 ans son cadet, est généralement absent des mémoires. Pourtant, jusqu’en 1976, c’est son nom que porte cette réserve et il occupe un poste important à la direction de la LPO de 1912 à son décès en 1949. L’explication de cet oubli est historienne : bien peu de sources existent concernant Albert Chappellier, en dehors de ses publications scientifiques. Pourtant il paraît avoir joué un rôle important dans le mouvement français de protection de la nature de la première moitié du xxe siècle.
Luglia Rémi, « Le donne nella protezione della natura in Francia (1850-1940) » in Genesis, XII/2, 2013, « Ecostorie. Donne e uomini nella storia dell’ambiente » (dossier dirigé par Stefania Barca & Laura Guidi), Società Italiana delle Storiche, p. 33-53.
Titre français : « La place des femmes dans l’éveil d’un courant naturaliste de protection de la nature en France (années 1850-1940) ».
L’objet de cet article est de définir la place des femmes dans le contexte français d’éveil d’un courant naturaliste de protection de la nature, des années 1850 à la Seconde Guerre mondiale. L’étude porte sur des sociétés savantes naturalistes (Société d’acclimatation, Ligue pour la protection des oiseaux). Si jusqu’à la Première Guerre mondiale les femmes sont physiquement absentes de ce mouvement, elles apparaissent à la faveur de discours contre la mode des chapeaux à plumes, qui les enferment dans une supposée mais traditionnelle « nature » féminine. Progressivement, à partir des années 1920, les femmes sont plus nombreuses et le courant naturaliste de protection devient plus militant, plus moral, plus efficace.
Luglia Rémi, « Le castor d’Europe (Castor fiber). Regards historiques anciens et nouveaux sur un animal sauvage » in Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne (CIERA), Trajectoires, n°7, « La condition animale. Places, statuts et représentations des animaux dans la société », décembre 2013.
Article consultable sur http://trajectoires.revues.org/1130
La longue histoire de la disparition du castor (Castor fiber) de l’Europe, et de son retour récent, invite à porter un regard original sur les rapports changeants entre l’homme et les sociétés d’un côté, et l’animal et le reste de la nature de l’autre. L’analyse de la protection de cet animal singulier, initiée au xixe siècle par une mutation du paradigme utilitariste, particulièrement chez les naturalistes, et de sa reconquête de nombreux espaces d’où l’homme l’avait fait disparaitre, met en évidence une dynamique européenne, globale malgré certaines différences. Le cas du castor permet en outre d’appréhender la capacité du sauvage à s’adapter à l’anthropisation du monde.
Luglia Rémi, « Le savant, l’oiseau et l’agriculture. La Société d’acclimatation et la protection des oiseaux (1854-1939) » in Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, Tome 68, Blois, septembre 2013, p. 137-148.
Les oiseaux sont un des principaux moteurs de l’émergence et de la diffusion des idées de protection de la nature en France mais aussi dans le monde. Le regard en mutation des savants de la Société d’acclimatation rend compte des transformations de la relation entre l’oiseau et l’agriculture, initialement placée sous le signe de l’utilitarisme, qui s’avère le point de départ d’un cheminement vers la protection, entre le milieu du xixe siècle et le milieu du xxe siècle. L’apparition de la Ligue pour la protection des oiseaux en 1912, et sa divergence progressive d’avec la Société d’acclimatation, témoignent également des mutations à l’œuvre.
Luglia Rémi, « Le dépeuplement des cours d’eau : un marqueur de l’émergence de la protection de la nature dans la Société d’acclimatation et en France (milieu xixe – milieu xxe siècle) », in Mathis Charles-François & Mouhot Jean-François (dir.), Une protection de l’environnement à la française ? xixe –xxe siècle, Seyssel : Champ Vallon, coll. « L’environnement a une histoire », p. 199‑209.
Le constat, unanime mais jamais mesuré, de la raréfaction du poisson dans les cours d’eau français, conduit les savants de la Société d’acclimatation, dès la naissance de celle-ci en 1854, à s’interroger sur les mesures à prendre pour conserver ce qui est identifié comme une ressource importante. Ils envisagent d’abord, dans le cadre d’un paradigme utilitariste prégnant, de « repeupler » les cours d’eau en soutenant l’essor de la pisciculture. Mais vers 1900, la pertinence des introductions d’espèces exotiques est mise en cause. Rapidement les savants considèrent qu’il est nécessaire de protéger les poissons et leurs habitats en restaurant l’accessibilité des bassins, en mettant en réserve des portions de cours d’eau et en durcissant la législation. Reconnue comme un expert sur ces questions, la Société d’acclimatation est associée par l’État à toutes ses réflexions pour améliorer la situation et ses avis sont largement suivis. Sans que pour autant la situation des populations de poissons des cours d’eau français ne paraisse s’améliorer.
Luglia Rémi, « Des savants et des oiseaux. Les oiseaux et leur protection au sein de la Société d’acclimatation de 1854 à la Seconde guerre mondiale » in Le Courrier de la Nature, n° 272 spécial « Protection des oiseaux », p. 20-27.
La Société d’acclimatation, ancêtre de la Société nationale de protection de la nature, n’a pas été créée loin s’en faut pour protéger les oiseaux, ni la nature en général. Mais les avancées scientifiques et la mutation des conceptions de ses adhérents l’ont amenée progressivement à revoir ses objets et missions. Il apparaît ainsi que l’association a joué un rôle important dans la protection des oiseaux et a été transformée par ce combat. Retour sur un cheminement historique de savants naturalistes vers la protection de la nature, avec un focus sur l’itinéraire des personnages les plus marquants.
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