De la neige au Musée canadien de l’histoire

Déneigement des rues de Montréal, vers 1930. ©Archives de la Ville de Montréal, Z-103-2

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Post préparé en collaboration avec le Musée canadien de l’histoire.

Par un jour de grand froid, quoi de mieux que d’aller profiter de l’hiver… à l’intérieur! C’est ce que propose le Musée canadien de l’histoire, avec son exposition Neige – que les nostalgiques de la saison froide pourront d’ailleurs aller visiter jusqu’à cet été. Une exposition qui suscite la curiosité et la surprise. La neige apparaît comme une évidence, elle fait partie du quotidien, année après année… Certains l’aiment, d’autres la détestent, mais personne n’y est indifférent.

Qu’est-ce qu’un musée dont la mission est orientée vers l’histoire humaine, et non vers les sciences naturelles, peut-il nous apprendre sur la neige? On ne peut pas faire une « histoire de la neige ». Traiter d’un tel objet dans un contexte muséal où les gens viennent pour y découvrir des artefacts ne relevait donc pas de l’évidence. C’est à travers la mise en relation de quelques centaines d’objets détenus dans les différentes réserves et collections du Musée qu’a pris forme le récit de notre rapport à la neige, qu’ont émergé des histoires qui révèlent notre étroite relation au froid. Le Musée met ainsi en valeur une multitude d’objets de la vie quotidienne et propre à différentes époques. Bottes, pelles, mitaines, raquettes, luges, pneus d’hiver… des objets du quotidien, d’origine autochtone, attribuables aux premiers colons ou de facture contemporaine, qui révèlent les liens intimes que nous avons tissés avec la neige au cours des siècles.

Mais il ne s’agit pas que de présenter des objets les uns à la suite des autres. Il faut inscrire ces objets dans une trame qui les relie dans une réflexion plus globale. À partir des artefacts, quatre grandes thématiques sont ressorties autour desquelles s’articule notre relation à la neige : l’adaptation, l’innovation, la passion et l’inspiration. Autant de dimensions au travers desquelles la neige prend place dans nos vies, et qui sont explorées au fil de l’exposition.

Déneigement des rues de Montréal à l’aide d’un grattoir tiré par un cheval, vers 1930. Les premiers véhicules munis d’une lame pour pousser la neige arrivent dans les années 1930. Avant cela, le déneigement se fait à l’aide d’un grattoir tiré par un cheval qui balisait le chemin et repoussait la neige sur les côtés.  ©Archives de la Ville de Montréal, Z-103-2
Déneigement des rues de Montréal à l’aide d’un grattoir tiré par un cheval, vers 1930.
Les premiers véhicules munis d’une lame pour pousser la neige arrivent dans les années 1930. Avant cela, le déneigement se fait à l’aide d’un grattoir tiré par un cheval qui balisait le chemin et repoussait la neige sur les côtés.
©Archives de la Ville de Montréal, Z-103-2

On peut y apprécier l’évolution des pratiques vestimentaires, depuis leur fabrication en peau de phoque et de caribou. Ces artefacts offrent des exemples éloquents de la formidable adaptation de l’humain à la neige et au froid. Si les peuples autochtones ont su développer des moyens de survivre dans ces conditions parfois extrêmes, pour les premiers explorateurs européens, la rencontre avec la neige fut brutale. Elle posait un obstacle majeur à leur établissement, et surtout à leurs déplacements. L’exposition présente des récits et des croquis d’explorateurs, de militaires, de scientifiques ou de voyageurs, qui permettent de prendre la mesure du grand désarroi des premiers colons confrontés aux rigueurs de l’hiver. Ces derniers ont d’ailleurs vite constaté que, pour survivre, ils devaient faire appel au savoir-faire des Premières Nations.

Un des aspects probablement les plus affectés par les conditions hivernales est certainement le transport et les communications. Les difficultés que la neige impose en matière de déplacement ont fait d’elle pendant longtemps un synonyme d’isolement, en particulier dans les régions peu peuplées. Les Canadiens ont dû rivaliser d’ingéniosité afin de maintenir leurs communications, depuis les premiers transports du courrier par traîneau à l’invention de la motoneige.

L’exposition aborde aussi les différentes activités de loisir, sportives et ludiques, et leur évolution dans le temps. On peut y voir les débuts des courses de traîneaux et de raquettes au XIXe siècle, jusqu’à l’organisation des grands carnavals d’hiver à Québec ou à Montréal. C’est aussi l’avènement et l’organisation croissante des sports de glisse. Le ski notamment, depuis les premiers clubs alpins du début du XXe siècle, et la motoneige, qui devient rapidement, à partir des années 1960, un symbole de la passion des Canadiens pour la neige.

Finalement, la neige a inspiré toutes les formes d’art à travers le temps : la poésie, la littérature, la peinture, la sculpture, les chansons ou les films, faisant de la neige un élément central de notre identité culturelle. On retrouve la neige présente autant dans l’art autochtone, chez les premiers Européens, que chez nos artistes contemporains. Un regard sur la neige, mais aussi plus largement sur une société obligée de cohabiter avec cet élément.

« L’exposition ne dresse pas un portrait idyllique de la neige, mais montre aussi les difficultés qu’elle pose. Elle invite à la réflexion sur notre rapport à la neige, et au partage des expériences entre les générations », souligne Bianca Gendreau, conservatrice de l’exposition. En effet, si une constante est à souligner à travers les époques, c’est cette volonté de surmonter et de vaincre la neige. Notre préoccupation pour la neige n’est pas nouvelle. Ce qui se transforme et se modifie, ce sont les moyens employés pour y parvenir, en fonction notamment des technologies disponibles. C’est pourquoi faire une histoire par le biais du thème de la neige est fascinante, car elle nous permet de pénétrer l’ingéniosité et la créativité de notre société.

Au-delà de la relation amour-haine qu’entretient la société avec la neige – relation qui évolue même au cours de la saison entre les premières bordées attendues et la désespérante dernière tempête – un des objectifs de l’exposition est de s’interroger sur l’importance sociale de la neige, son rôle à jouer pour l’agriculture, l’hydro-électricité ou le tourisme, par exemple. Comprendre sa raison d’être, au-delà du rapport émotif que l’on entretient avec elle.

Une exposition qui rappelle aussi aux historiens les trésors que recèle notre culture matérielle pour aborder des thèmes environnementaux.

Neige est présentée au Musée canadien de l’histoire du 6 décembre 2013 au 28 septembre 2014. Le Musée J. Armand Bombardier, à Valcourt, au Québec, accueillera une version itinérante de Neige en 2015.

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Maude Flamand-Hubert

Je suis professeure adjointe en politiques appliquées à la forêt privée à la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, département des sciences du bois et de la forêt de l'Université Laval. J'ai soutenu en 2017 ma thèse de doctorat, intitulée "La forêt québécoise dans la première moitié du XXe siècle : représentations politiques et littéraires" (cotutelle en développement régional à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR) et en histoire à Sorbonne Paris-IV). Mes intérêts de recherche portent sur l'exploitation des ressources naturelles et les politiques publiques, l'histoire forestière, régionale et environnementale, le Québec au XIXe et XXe siècle, les représentations de la forêt et des milieux forestiers.

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