Les territoires du tourisme automobile au Québec et en Ontario: aménagement, promotion et représentation, 1920-1945

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Editor’s Note: This is the eleventh in a series of posts about the papers being prepared for the Environments of Mobility in Canadian History workshop that will be hosted at York University’s Glendon College in May.

Les territoires du tourisme automobile au Québec et en Ontario: aménagement, promotion et représentation, 1920-1945
Les territoires du tourisme automobile au Québec et en Ontario: aménagement, promotion et représentation, 1920-1945

An English version follows.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le nombre de touristes automobilistes sur les routes canadiennes est en progression constante. En 1923, ils sont 112 000 automobilistes américains à se rendre au Québec, et plus de 625 000 à le faire en 1929. L’Ontario est la province canadienne la plus visitée par les touristes américains et reçoit la plus grosse part des dépenses touristiques au Canada (61%). Avant la Deuxième Guerre mondiale, l’automobile devient même le moyen de transport privilégié par les touristes pour visiter le Canada, dépassant de loin le train et le bateau. Mais pour ces premiers touristes motorisés, l’automobile est bien plus qu’un moyen de transport : elle est un objet récréatif. Au plaisir de rouler se joint le désir d’explorer de nouveaux horizons, en toute liberté: la sensation de l’espace libre à l’infini devant soi. L’esprit de ce tourisme à ses débuts peut se traduire par l’idée de flânage ou d’itinérance, d’où sa désignation sous le terme de tourisme nomade.

Le Québec et l’Ontario comprennent rapidement les enjeux de cette nouvelle forme de mobilité récréative. Dès le début des années 1920, ces provinces publicisent la qualité et la beauté des routes, par le biais de brochures et de reportages touristiques. Elles cherchent à projeter l’image de territoires facilement accessibles par automobile, dont les limites sont appelées à être constamment repoussées au fur et à mesure que de nouvelles routes sont aménagées. Les territoires ontariens et québécois deviennent, en quelque sorte, de vastes terrains de jeu pour automobilistes. Des premières cartes routières établissent les contours d’un territoire voué au tourisme automobile et annoncent ses développements futurs (figure 1). Des itinéraires touristiques sont élaborés. Au Québec, ces premiers circuits se veulent thématiques, axés sur la valorisation du patrimoine culturel et la mise en scène de la paysannerie canadienne-française (figure 2) alors qu’en Ontario, ils favorisent la découverte des milieux riverains et forestiers et leurs pratiques récréatives. Parmi ceux-ci, certains quadrillent et mettent en valeur des régions éloignées et difficilement accessibles avant la construction de routes comme l’est du Québec (la Gaspésie) et le nord de l’Ontario.

La Ferguson Highway, la Lake Superior Scenic Highway et le tour de la Gaspésie sont de bons exemples des premières routes à vocation touristique qui sont développées et promues par les gouvernements québécois et ontariens. Malgré qu’elles traversent des milieux sensiblement différents (maritime et montagneux pour la Gaspésie et forestier pour le nord ontarien), ces routes ont plusieurs points de convergence. Elles sont publicisées comme des prouesses de l’ingénierie moderne et doivent offrir une expérience visuelle unique au voyageur. Peu peuplés, les territoires que ces routes traversent sont aussi qualifiés de rustiques et de sauvages.

Entre 1920 et 1945, cette nouvelle mobilité récréative amène donc différents acteurs (gouvernements provinciaux, clubs automobilistes, municipalités, associations touristiques, etc.) à repenser les territoires québécois et ontariens, tant du point de vue de leurs aménagements que de leurs représentations. Cette réflexion se traduit par une mise en tourisme intensive. La promotion de bonnes et belles routes, l’élaboration d’itinéraires et de circuits touristiques apparaissent comme des éléments clés dans la définition de ce que nous appelons les territoires du tourisme automobile. Axée sur les besoins et les aspirations des automobilistes, cette mise en tourisme oriente pour les années à venir la manière de développer et de pratiquer le tourisme au Québec et en Ontario. Cette contribution permet de situer historiquement l’importance accordée au système automobile dans le développement touristique de deux provinces canadiennes.

Figure 1: Ontario Motor League, Road Map of the Province of Ontario and International Main Travelled Routes (Compiled by J. W. Tyrell and Co. Land Surveyors & Civil Engineers, Hamilton, 1920). Les gouvernements provinciaux, aidés des clubs automobiles, développent des itinéraires touristiques spécialement conçus pour les automobilistes. L’élaboration de cartes et de guides donne lieu à la représentation d’un territoire touristique et d’automobilité. L’Ontario et le Québec établissent respectivement leurs premières cartes routières en 1923 et 1926, quelques années après les clubs d’automobilistes. Source: "Archivianet : Maps, plans and charts", Library and Archives Canada, H2/400/1920, record no 5495, NMC 21543. Accessed on March 13 2011. http://www.collectionscanada.gc.ca/archivianet/020154_e.html
Figure 1: Ontario Motor League, Road Map of the Province of Ontario and International Main Travelled Routes (Compiled by J. W. Tyrell and Co. Land Surveyors & Civil Engineers, Hamilton, 1920). Les gouvernements provinciaux, aidés des clubs automobiles, développent des itinéraires touristiques spécialement conçus pour les automobilistes. L’élaboration de cartes et de guides donne lieu à la représentation d’un territoire touristique et d’automobilité. L’Ontario et le Québec établissent respectivement leurs premières cartes routières en 1923 et 1926, quelques années après les clubs d’automobilistes. Source: “Archivianet : Maps, plans and charts”, Library and Archives Canada, H2/400/1920, record no 5495, NMC 21543. Accessed on March 13 2011. http://www.collectionscanada.gc.ca/archivianet/020154_e.html
Les territoires du tourisme automobile au Québec et en Ontario: aménagement, promotion et représentation, 1920-1945
Les territoires du tourisme automobile au Québec et en Ontario: aménagement, promotion et représentation, 1920-1945

English ver.:
Shortly after the First World War, the number of automobile tourists on Canadian roads constantly grew. In 1923, 112,000 automobile tourists visited Quebec, with more than 625,000 doing so in 1929. Ontario was the Canadian province that received the greatest number of American tourists, and it also received the largest share of tourist expenditures in Canada (61%). Before the Second World War, cars became the greatest means of transport for tourists who visited Canada, far exceeding trains and boats. But for these early motorized tourists, the car was much more than a means of transport: it was a recreational object. Along with the pleasure of driving and the feeling of freedom one has to add the desire to explore new horizons. The spirit of this tourism could result in the idea of strolling or roaming, hence its designation as nomadic tourism.

Quebec and Ontario quickly understood the stakes of this new form of recreational mobility. By the early 1920s, both provinces publicized the quality and the beauty of their roads in tourist booklets and reports. They sought to project an image of their territories that depicted them as easily accessible by car, with limits constantly pushed back as new roads were constructed. The territories of Quebec and Ontario became, to some extent, vast playgrounds for motorists. Early road maps established contours of territory dedicated to car tourism and announced its future developments (figure 1). Tourist itineraries were developed. In Quebec, these early itineraries had a set of themes, centred on the valourization of cultural inheritance and the French-Canadian farming community landscape (figure 2), while in Ontario, they depicted the discovery of lakes, forest, and their recreational practices. Among these, some focused on areas that had been difficult to reach before road construction, like eastern Quebec (Gaspésie) and northern Ontario.

The Ferguson Highway, the Lake Superior Scenic Highway and the tour de la Gaspésie are good examples of the first tourist routes that were developed and promoted by Quebec and Ontario. Although they traverse different environments (sea and mountain in Gaspésie and forest in Northern Ontario), these roads had several points of convergence. They were advertised as feats of modern engineering and offered a unique visual experience to travelers. Sparsely populated, the territories through which the roads crossed were described as rustic and wild.

Between 1920 and 1945, this new recreational mobility led various stakeholders (provincial governments, motorist clubs, municipalities, tourist associations, etc.) to reconsider Quebec and Ontario’s territories, from both material and representational points of view. This understanding resulted in intensive tourism development. The promotion of good and beautiful roads, and the development of tourist itineraries and tours, became key elements in defining what we call the territories of automobile tourism. Centered on the needs and the aspirations of motorists, this vision directed the development and practice of tourism in Quebec and Ontario in future years. This contribution allows us to situate historically the importance attached to the automobile system in the tourist development of two Canadian provinces.

Maude-Emmanuelle Lambert est candidate au Doctorat au Département d’histoire de l’Université de Montréal.


Feature image: Ontario Motor League, Road Map of the Province of Ontario and International Main Travelled Routes (Compiled by J. W. Tyrell and Co. Land Surveyors & Civil Engineers, Hamilton, 1920).
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